Les États peuvent être condamnés à verser des indemnités à d’autres États du fait de dommages environnementaux qu’ils auraient causé


Les États peuvent être condamnés à verser des indemnités à d’autres États du fait de dommages environnementaux qu’ils auraient causé – CIJ, 2 févr. 2018, n°150, Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c/ Nicaragua)

Dans le cadre de la poursuite de la « contribution de la Cour internationale de justice au développement et à la clarification du droit international de l’environnement » (Discours du Président de la CIJ devant la 6ème Commission de l’Assemblée Générale de l’ONU en date du 28 octobre 2016), celle-ci se prononce pour la première fois sur une demande d’indemnisation pour dommages environnementaux.

Depuis 2010 la Cour internationale de justice a en effet reconnu un principe de prévention comme appartenant au corps de règles du droit international de l’environnement. Ainsi, par un tel arrêt on constate que les dommages environnementaux ouvrent désormais, en eux-mêmes droit à indemnisation, en sus de dépenses engagées par l’État lésé en conséquence de tels dommages.

Dans cet arrêt du 2 février 2018, la Cour fixe le montant de l’indemnité due par le Nicaragua au Costa Rica du fait des dommages matériels causés par les activités illicites auxquelles il s’est livré sur le territoire Costaricain et pour lequel il a été reconnu responsable.

La Cour en arrive à cette conclusion puisque dans son arrêt du 16 décembre 2015, elle avait adjugé au Costa Rica la souveraineté sur le «territoire litigieux» et avait, en conséquence, déclaré que les activités du Nicaragua, notamment le creusement de trois caños et l’établissement d’une présence militaire sur ce territoire, emportaient violation de la souveraineté territoriale du Costa Rica. Elle a estimé que le Nicaragua était dès lors tenu de réparer les dommages causés par ses activités illicites et que le Costa Rica était fondé à recevoir une indemnisation pour les dommages matériels découlant des violations dont elle avait constaté la commission par le Nicaragua

Les juges de la CIJ précisent de plus ce que recouvre cette indemnisation. Ainsi, elle comprend une indemnité pour la dégradation ou la perte de biens et services environnementaux subie, et une indemnité pour la restauration de l’environnement endommagé. La Cour ajoute que l’indemnité de restauration répond au fait que la régénération peut parfois ne pas suffire à rétablir l’environnement en son état antérieur au dommage. En pareil cas, des mesures de restauration active peuvent être requises afin de rétablir, autant que possible, l’environnement en son état d’origine.

Afin de déterminer l’indemnisation requise à l’encontre du Nicaragua la Cour précise que le droit international ne prescrivant aucune méthode d’évaluation particulière, elle a la possibilité d’emprunter à deux méthodes d’évaluation préexistantes. La « méthode des services écosystémiques », selon laquelle la valeur d’un environnement se compose de biens et services susceptibles ou non d’être commercialisés. Ainsi que la « méthode du coût de remplacement » suivant laquelle le Costa-Rica aurait droit à une indemnisation pour le seul coût du remplacement des services environnementaux perdus.

Enfin, concrètement pour déterminer le montant de l’indemnité, les juges de la CIJ commencent par vérifier l’existence et l’étendue des dommages en question, pour rechercher ensuite un lien de causalité direct et certain entre les dommages et les activités du Nicaragua.

La Cour en arrive donc à la conclusion que les dommages causés à l’environnement, ainsi que la dégradation ou la perte consécutive de la capacité de celui-ci de fournir des biens et services, sont bien susceptibles d’indemnisation en droit international.

Par cet arrêt, il semblerait que la Cour Internationale de Justice de l’ONU énonce un principe de responsabilité environnementale des États entre eux, qui donnerait ainsi droit à une indemnisation pécuniaire au bénéfice de l’État lésé.



Benjamin Juchet